« La Lettre du Mardi de
notre FMNS» n° 74 du 22.05.2018
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FEDERATION DES MAITRES NAGEURS SAUVETEURS
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REIMS
: ACCIDENT MORTEL EN APNEES :
18 mois de prison ferme
contre le prof. d’UFR-STAPS
- BEESAN
Une carrière brillante, une vie, une famille
brisées... en quelques minutes
Ce prof- MNS, comme cette élève BPJEPS
AAN n’appartenaient pas à notre FMNS. Le secrétaire général de notre FMNS s’est
rendu à Reims le 15 mai 2018, à l’audience du tribunal correctionnel car ce
procès fait date dans notre profession. Toutefois notre FMNS n’est intervenue
en rien, sinon pour donner quelques «conseils d’audience» : éviter que sa photo
ne paraisse dans tous les journaux et à la TV. Ce Prof-MNS bien vulnérable
paraissait bien mal défendu, bien mal informé. Tout le monde paraissait se
«ruer sur lui».
Les faits :
Pierre R. était professeur agrégé à
l’UFR-STAPS de Reims, vice doyen, très bien noté, considéré comme un bon
professeur. Il avait passé son MNS et son PSE1. Il préparait entr’autres ses
élèves à l’équivalence du BPJEPS-AAN délivré aux licences STAPS moyennant un
stage supplémentaire. Père de trois enfants, 56 ans, il avait une vie et une
carrière réussie. Tout s’est écroulé en quelques
minutes !
LES FAITS :
Le 19 janvier 2016, il encadre trois
groupes successifs de 22 élèves STAPS à la piscine d’Orgeval à Reims pour les
préparer aux épreuves leur donnant l’équivalence du MNS. Le gestionnaire de la
piscine avait décidé que les employés et les élèves de l’UFR STAPS étaient
interdits de pénétrer dans le poste de secours, donc ne pouvaient pas se servir
des appareils de réanimation ni effectuer toute répétition.
Toutefois ils laissent évoluer ce prof. et ses élèves sans poste de secours,
sans répétition de noyade : ce qui est déjà une 1ère faute grave !
Ce prof aurait eu bien besoin d’un MNS pour le compléter, pour encadrer et
surveiller ses élèves, mais il n’y aurait pas eu assez d’argent à l’UFR STAPS
de Reims pour payer un autre MNS. Aucune réglementation ne l’impose. Les cours
de natation à l’université ne dépendent pas de la circulaire de la natation
scolaire. Cette natation dans l’enseignement
supérieur est bien peu réglementée !
Quelques jours avant cette date du 19 janvier 2016, Marine Cotereau cette élève
en seconde année avait déjà fait un malaise à la piscine et avait été soutenue
pour se rendre au poste de secours de cette piscine (à une heure d’ouverture),
par deux élèves.Le 19 janvier 2016, ce professeur-MNS en est au second groupe.
Il effectue son cours, comme les autres, mais
à la fin du cours : 2 ème faute grave,
il programme des séries d’apnées de 15 mètres. Les élèves sont apairés (ils
évoluent par deux) et doivent donc compléter mutuellement la surveillance du
professeur. Ils se succèdent pour effectuer quelques largeurs. Malheureusement
c’est la fin du cours, l’élève «apairé» avec Marine Cotereau, une fois son tour
passé, ne s’inquiète pas d’elle et part aux vestiaires.
ce qui est une 3 ème faute
grave.
Personne ne le rappelera à l’ordre et ne s’en apercevra. En résumé il n’y a pas
de surveillance effective. Marine perd connaissance et ne sera aperçue par
personne, pas même par son professeur-MNS,
ce qui est une 4 ème faute grave.
Les 22 élèves du 3 ème cours de cet
UFR STAPS pénètrent sur le bassin et aperçoivent le corps inerte de Marine
Cotereau au fond du bassin. Ils plongent immédiatement. Les élèves commencent
une tentative de ranimation. Le prof. arrive sur les lieux et prête main forte sans l’oxygène (5 ème faute
grave) alors qu’il y
était, mais «interdit» dans cette piscine
. Un quart d’heure après
environ, les pompiers et le SAMU continuent. La noyée est transportée au Centre
Hospitalier, elle y est déclarée «décédée», quelques heures après.
La gendarmerie et le juge d’instruction vérifient le matériel, les brevets, les
révisions, les positions de chacun, les non répétitions de noyades, les locaux,
le POSS, le règlement intérieur etc etc.
Une «marche blanche» est organisée dans la ville de Reims. Des milliers de
personnes y participent notamment d’autres professeurs et bon nombre d’élèves
de cet UFR-STAPS de Reims. Drôle de solidarité entre enseignants !
Il s’avère que Pierre R. est bien professeur agrégé d’EPS et BEESAN, recyclé
(CAEP MNS) mais il n’a pas effectué la révision annuelle du PSE1. Le juge
d’instruction la lui réclame. Pierre R. ne sait pas répondre. C’est notre FMNS
qui lui en donnera la clef, mais trop tard au moment de l’audience : un prof
d’EPS peut enseigner la natation dans une école sans être MNS, sans avoir le
PSE1 ou sans l’avoir recyclé. Il était donc en règle.
Pierre R. panique et il se
fabrique un faux certificat de révision au PSE1 dans les jours qui
suivent (6ème
faute). Il le
présente au juge d’instruction, qui le vérifie de son côté. L’association de
formation témoigne que ce certificat est un faux. Elle a changé la couleur du
papier les mois précédents : la couleur et la date ne correspondent pas. Le
juge d’instruction est furieux d’avoir été trompé et met en examen Pierre R.
pour faux et usage de faux. Ce pauvre professeur agrégé ne sait toujours pas se
défendre : il n’avait pas besoin du PSE1 ou de sa révision pour exercer en tant
que prof d’EPS, il était donc en règle.
La circulaire
n°2017-127 (nat.scol.) ne s’applique pas à l’enseignement supérieur, qui n’a
pas de texte officiel.
Le juge estime que la position du prof. ne lui permettait pas de voir la
victime (7ème faute
grave).
Les élèves témoignent d’un «bon professeur» mais d’une «surveillance non
soutenue» : «le prof. a envoyé des SMS pendant le cours». Aussitôt le juge
d’instruction fait vérifier les communications du portable et découvre que
pendant le cours 2 SMS ont été envoyés (8ème
faute grave). Le juge
convoque ce prof. pour vérifier à qui ces SMS ont été destinés, (professionnels
ou non?). Le prof. lui répond «je ne me rappelle pas». Le juge analyse la liste
des communications des semaines précédentes et s’aperçoit que ce numéro a été
appelé 130 fois :
il s’agit donc d’une «liaison». Le
juge d’instruction est à nouveau furieux.
Plus tard, après la condamnation, le
journal «Détective» titrera contre cet homme marié, père de trois enfants «Le professeur envoyait des SMS à sa maîtresse pendant que
son élève se noyait ! ».
Pierre R. est donc mis en examen pour défaut de surveillance ayant entraîné un
homicide involontaire, faux et usage de faux. ll ne saura pas rejeter «l’usage
de faux», pas plus que son avocat.
Le juge d’instruction découvre sur internet un article sur «l’hyperventilation
dangereuse». Il croit y lire qu’elle est «rejetée par la profession» et
«interdite depuis 1986». Là aussi ce professeur ne saura pas s’en défendre.
L’hyperventilation est effectivement dangereuse, mais il n’y a pas beaucoup
d’autres moyens pour améliorer la durée d’apnées, (d’où la proscrire à titre de
loisir). Elle n’a jamais fait l’objet d’un texte officiel qui l’interdirait. A
l’audience le juge assomme le prévenu en lui disant «qu’il n’a pas fait
l’effort d’approfondir ses connaissances trop anciennes, qu’il est autodidacte,
que les chercheurs et la profession rejettent l’hyperventilation comme étant
trop dangereuse» Ce professeur ne sait toujours pas s’en défendre, pas plus que
son avocat.
C’est le tour de la partie civile - la famille : le frère de la victime affirme
«notre famille est démolie, on ne peut plus se parler sans s’engueuler, rien se
sera plus comme avant la mort de ma soeur».
Le procureur sans violence analyse à nouveau ces manques et réclame
18 mois de prison, dont la moitié avec sursis.
L’avocat de la défense, qui manifestement n’a pas approfondi le dossier, qui
n’a rien cherché et qui ne connait pas grand chose à notre profession, se lance
dans des envolées lyriques, qui ne peuvent convaincre que des personnes ne
fréquentant jamais les prétoires. Il ne sait pas rejeter certaines accusations
infondées et il ne demande même pas la non inscription au casier judiciaire...
Pierre R. est condamné à 18 mois de prison ferme,
non incarcéré à l’audience. Il est interdit à vie d’exercer dans un
milieu aquatique et il doit payer les indemnités à la victime qui seront fixées
par le tribunal le 6 septembre 2018. C’est
plus que ce qu’avait demandé le parquet !
Le juge sentant probablement que la
sentence était énorme lui précise «vous pourrez faire l’objet d’un aménagement
de la peine» (bracelet électronique).
A l’heure où nous rédigeons ce compte rendu, Pierre R. souhaite faire appel (et
peut être changer d’avocat - notre FMNS le lui a conseillé).
La plupart des journaux se sont «rués» sur cette information, qui intéresse le
grand public et ce professeur-MNS n’a pas fait l’objet de beaucoup de
solidarité. Son UFR-STAPS de Reims, qui l’avait suspendu bien avant l’audience,
lui a retiré son assistance juridique (il doit se payer l’avocat).J.M.Lapoux FIN
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